Schizophrénie : l’aide des cellules souches
Par Martine Perez Mis à jour le 19/04/2011 à 17:43 – Crédits photo : GARETH WATKINS/REUTERS.
En transformant des cellules de la peau de malades schizophrènes en neurones, les chercheurs ont ainsi pu mettre en évidence sur ces cultures des troubles importants de la connection neuronale, mettant le doigt sur les mécanismes biologiques de la maladie.
En transformant des cellules de la peau de malades schizophrènes en neurones, les chercheurs ont ainsi pu mettre en évidence sur ces cultures des troubles importants de la connection neuronale, mettant le doigt sur les mécanismes biologiques de la maladie.
Des neurones fabriqués à partir de la peau de patients ont permis de découvrir les mécanismes de la maladie.
Une avancée considérable dans l’étude des maladies mentales vient d’être accomplie par des chercheurs de l’Université de Californie et du laboratoire Spring Harbor de New York qui ont travaillé avec des outils totalement inédits: des cellules de la peau de malades schizophrènes transformées en neurones. Ils ont ainsi pu mettre en évidence sur ces cultures des troubles importants de la connexion neuronale, mettant le doigt sur les mécanismes biologiques de la maladie. Ils ont également testé des médicaments antipsychotiques sur ces cultures et montré que l’un d’entre eux améliorait les connections entre neurones. Grâce à ces travaux publiés mercredi sur le site de la revue Nature, une nouvelle ère s’ouvre dans la recherche en psychiatrie qui devrait déboucher sur une meilleure compréhension de ces maladies, trop longtemps considérées par certains psychanalystes comme la conséquence de mauvaises interactions «parents-enfants», et sur une meilleure évaluation des médicaments.
La schizophrénie, qui touche 1% de la population, survient en général entre 15 et 25 ans par des symptômes variables selon les patients: délires, hallucinations, repli sur soi, désocialisation. Malgré sa fréquence, et le fait qu’elle frappe une population jeune, les recherches restent insuffisantes. Depuis plus d’une décennie des travaux ont néanmoins permis de comprendre que cette maladie avait un support biologique très important avec des facteurs génétiques notables, associés à certains facteurs environnementaux (prise de cannabis, infections maternelles pendant la grossesse, traumatismes obstétricaux…). En l’absence de modèle animal, l’étude de cette maladie basée sur la génétique, l’imagerie et l’épidémiologie restait assez limitée.
L’équipe de Fred Cage connue pour ses travaux innovants sur les cellules souches, à mille lieues des maladies mentales, s’est intéressée à la schizophrénie selon une démarche totalement innovante. Les chercheurs ont d’abord prélevé des cellules de la peau de quatre malades schizophrènes. Grâce à certaines alchimies, ils les ont transformées en cellules souches pluripotentes, ces dernières étant transformées ensuite en neurones. Par le biais de cette magie biologique ultramoderne, des neurones spécifiques de chacun de ces malades ont pu être créés. Des neurones de personnes «témoins» en bonne santé ont été produits de la même manière.
Un outil irremplaçable
Les chercheurs ont examiné ces cultures et découvert que les neurones produits à partir des malades étaient différents de ceux issus de personnes saines. En particulier, ils développent bien moins de connections entre eux que les «normaux». Ils ont aussi mis en évidence des prolongements synaptiques moins développés chez les malades. Ils ont ensuite testé cinq différents médicaments utilisés dans la schizophrénie sur ces cultures et pu constater que l’un d’entre eux (la loxapine) améliorait les connections neuronales. Par ailleurs, l’analyse génétique a permis d’identifier 600 gènes dérégulés dans ces neurones, dont 25% avaient déjà été impliqués dans la schizophrénie antérieurement. Selon les auteurs, outre la compréhension de cette maladie, ces neurones fabriqués à partir de cellules souches issues de malades offrent un outil irremplaçable pour tester des médicaments et mettre en œuvre une «médecine personnalisée».
«Ces travaux sont passionnants, s’exclame le professeur Marion Leboyer (spécialiste de la génétique des maladies mentales, groupe hospitalier Chenevier-Mondor) qui s’indigne du manque de moyens dédiés en France à la recherche sur les maladies mentales, alors qu’elles sont si fréquentes et désespèrent les jeunes malades et leur famille. Nous avions aussi l’idée de ce type de recherche, mais pas suffisamment de financement.» Le professeur Marc Peschanski, spécialiste des cellules souches en France, estime important que cette voie de recherche s’attaque à la pathologie mentale, mais souligne que «ces résultats méritent une validation sur de plus grands effectifs».